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di Andrea Sangiacomo, Bulletin de Bibliographie Spinoziste XXXIV, cahier 2012/4, tome 75, Hiver, pp. 739-741
Après ses nombreuses études sur les sources classiques de la pensée de Spinoza, Omero Proietti nous propose une fois encore un ouvrage de grande importance pour la compréhension de la formation rhétorico-littéraire et philosophique de ce philosophe. Il nous présente en effet une remarquable édition critique du texte latin de la pièce théâtrale de Franciscus van den Enden, le Philodenius, avec une belle traduction italienne et un essai historico-critique de toute importance.
Pour nous permettre d’apprécier ce travail, Proietti nous plonge en effet d’abord dans le milieu historique de van den Enden, en esquissant une biographie très détaillée et précise. Dans cette première partie de l’ouvrage, nous retrouvons donc une image complexe et nuancée de celui qui fut le premier professeur de latin de Spinoza. Plus qu’un libertin ou un athée, van den Eden nous est présenté comme un jésuite qui n’a jamais abjuré sa vocation et qui, après avoir abandonné la Compagnie de Jésus, n’a pas renoncé, malgré tout, à son projet culturel. D’après la documentation que Proietti allègue, nous sommes en mesure d’apprécier «la profonde unité d’un parcours biographique absolument pas linéaire, mais cependant marqué par une véritable fidélité, plus ou moins explicite, à la cause des Pays-Bas espagnols. Cette 'fidélité' se réalise d’abord avec la formation jésuite […], se poursuit avec la féroce lutte contre l’ennemi calviniste […], devient donc spectacle public avec l’engagement jésuite et antijanséniste pratiqué dans le théâtre» (p. 10-11).
Dans la deuxième partie, Proietti s’attache à l’activité didactique de van den Enden dans les années 1650 et donc sur l’école fréquentée par Spinoza. Il se concentre sur la pratique didactique jésuite mise en place par van den Enden, en expliquant comment le latin de Spinoza s’est formé grâce à sa participation aux représentations théâtrales des pièces de Térence et de Sénèque. En soulignant la survivance dans la quasi-totalité des ouvrages de Spinoza de citations – plus ou moins explicites – de ces auteurs, Proietti propose deux thèses de grande importance. La première porte sur le critère philologique qui peut être institué pour reconnaitre le style de Spinoza et le distinguer de celui de ses éditeurs, en utilisant la présence de références classiques dans sa prose. La deuxième est plus ponctuelle et porte sur le problème de la datation du TIE: d’après les travaux de Filippo Mignini, on s’accorde à dater cet ouvrage de 1658 environ. Cependant, Proietti relève qu’il s’agit en fait de la seule oeuvre de Spinoza où il n’y a pas de références littéraires. Il propose donc de dater la composition des années 1656-1657, c’est-à-dire entre son excommunication et sa participation aux premières mises en scène à l’école de van den Enden. Cette deuxième partie de l’ouvrage de Proietti, se poursuit donc avec un examen de l’influence de Sénèque tragédien et avec la discussion de certains passages importants du TP – tout en reprenant un travail que Proietti avait développé lors de son édition du TP pour les oeuvres complètes dirigées par P.-F. Moreau aux PUF. Il ajoute enfin un catalogue des références à l’Andria et à l’Eunuchus de Térence utilisées par Spinoza dans ses ouvrages et qui devrait compléter les apparats de sources présentes dans l’édition Akkerman du TTP (PUF).
Enfin, dans la troisième partie du livre, nous retrouvons le Philodenius. L’importance de l’ouvrage tient à la fois à ce qu’il nous fait comprendre de la stratégie politique et idéologique de van den Enden, et à l’influence qu’elle peut avoir exercée sur Spinoza. En ce qui concerne le premier point, le Philedonius s’inscrit, comme le montre très bien Proietti, dans le théâtre jésuite. Il s’agit d’une pièce allégorique où van den Enden représente la conversion d’une personne plongée dans une vie de plaisirs, grâce à l’intervention des figures allégoriques de la Prudence et de la Miséricorde. Ce qui est intéressant de ce point de vue, c’est que Philedonius insiste particulièrement sur la dimension affective de cette conversion, qui peut se réaliser, en dernier ressort, sous la véhémence de l’image de la mort et l’angoisse qu’elle suscite. En ce qui concerne Spinoza, il est intéressant de retrouver dans la pièce de van den Enden le parcours d’initiation à la sagesse via le renoncement à une vie faussement heureuse parce qu’attachée à de faux biens, parcours qui est mentionné dans le début du TIE. D’ailleurs, le thème de la conversion et de la conquête de la béatitude contre et malgré la puissance de passions opposées, reste un thème central dans la philosophie de Spinoza, des premiers textes à l’Éthique, ce que l’ouvrage de Proietti nous permet d’interroger de façon nouvelle et féconde.;
Riferito a
Philedonius, 1657
Spinoza, Van den Enden e i classici latini
Proietti Omero
Anno: 2010
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